Sabença de la Valeia - Amis du musée de la vallée
Le 15 septembre 1859, les religieux Trinitaires retournaient dans le couvent de Faucon de Barcelonnette. Ils en avaient été chassés par la Révolution. Grâce à la générosité du Prince Torlonia, de la noblesse de Rome, qui l'avait acheté pour le leur rendre, ils s'installaient de nouveau au pays de leur fondateur, saint Jean de Matha.
C'est en effet ici, à Faucon, dans ce cadre de hautes montagnes au milieu desquelles l'Ubaye a creusé sa Vallée, qu'est né, le 24 juin 1160, Jean de Matha. Son père, Euphème de Matha était un seigneur espagnol. Il avait reçu des mains de Raymond Bérenger le jeune, comte de Barcelone et de Provence, la terre de Faucon.
Pour permettre à leur fils de recevoir une instruction et une éducation qui correspondent à son rang, ses parents viennent se fixer à Marseille. C'est là que Jean a commencé ses études, tandis que sa mère, Marthe, lui apprenait à connaître les pauvres, les malheureux et à les aimer. Elle le conduisait tantôt dans les hôpitaux ou dans les prisons, tantôt dans les taudis où des familles entières croupissaient dans la misère.
Jean de Matha va ensuite poursuivre ses études à Aix. Parmi cette jeunesse estudiantine, avide d'agitation et de plaisir, il saura se garder des vices et en préserver beaucoup de ses camarades.
Il part ensuite pour l'Université de Paris où il prend ses grades de docteur en théologie. L'évêque de Paris, Maurice de Sully remarque sa valeur et sa piété ; il l'encourage à devenir prêtre et, nous dit son biographe, tandis qu'il lui imposait les mains, l'évêque voit une colonne de feu se poser sur la tête du jeune prêtre. Son biographe ajoute encore, que, lors de la Consécration, tandis que le célébrant élevait l'hostie au-dessus de l'assistance, Jean vit un ange vêtu d'une tunique blanche comme la neige, avec sur la poitrine une croix rouge et azur. A ses pieds, agenouillés se tenaient deux esclaves chargés de chaînes, l'un maure et musulman, l'autre chrétien. L'ange posait ses mains croisées, celle de droite sur le chrétien, celle de gauche sur le maure.
Cette vision indiquait à Jean la route qu'il devait suivre.
Il se retire dans la solitude pour réfléchir et rencontre Félix de Valois. Ensemble, ils se rendent à Rome pour exposer au pape Innocent III leur projet de se consacrer à la libération des captifs.
Jean connaissait déjà le pape : ils avaient étudié ensemble à l'Université de Paris. Le pape reçoit nos deux pèlerins avec joie. Tandis qu'il célébrait la messe à saint Jean de Latran, il est favorisé de la même apparition de l'ange accompagné de deux esclaves. Il n'hésite pas à autoriser Jean de Matha et Félix de Valois à fonder, le 2 février 1198, l'Ordre de la Très Sainte Trinité pour la rédemption des captifs.
Jean part pour l'Afrique du Nord. Par son prestige, par son zèle, par ses aumônes, il délivre un grand nombre de prisonniers esclaves des musulmans.
Comme il fallait de grandes sommes d'argent pour vaincre la rapacité des marchands d'esclaves, il parcourt l'Europe, tendant la main en faveur des captifs. Epuisé par la fatigue et par les privations, il meurt à Rome, à l'âge de 53 ans, le 17 décembre 1213.
Mais l'Ordre de la Très Sainte Trinité était fondé pour la rédemption des captifs, et, par la suite, pour le soulagement des malheureux et pour le soin des malades.
D'après un calcul basé sur les documents les plus sérieux, les plus dignes de foi, le nombre des esclaves rachetés par les Trinitaires, au cours des siècles, s'élève à plus d'un million. Et ce que je ne voudrais pas oublier de vous dire, c'est que parmi eux, il y eut des captifs de chez nous, de Senez, de Montagnac, d'Entrevaux et de Sisteron. Il y eut aussi des Dignois. Voici des noms et des dates : Jacques Buez de Digne, racheté à Alger, en 1643 - P. Benoît de Digne, âgé de 17 ans, racheté à Alger, en 1785, esclave depuis 13 ans. Les marchands d'esclaves n'hésitaient pas à voler des enfants.
Le souvenir des Trinitaires est toujours vivant dans le Diocèse de Digne. La présence des religieux, ici, à Faucon, depuis le 1er septembre 1978, celle des sœurs, dans nos hôpitaux, durant tout un siècle, témoignent toujours de la bienfaisance et du dévouement de l'Ordre envers les déshérités de la vie.
En 1898, ici, à Faucon, on a célébré avec faste le 7e centenaire de la fondation de l'Ordre de la Sainte Trinité et c'est le Père Xavier de Fourvières qui prononça le panégyrique de saint Jean de Matha, en belle langue provençale.
Les habitants de Faucon et de Barcelonnette n'ont pas oublié les manifestations grandioses qui ont célébré, les 25 et 26 juin 1960, le 8e centenaire de la naissance de saint Jean de Matha. Les cérémonies étaient présidées par son Eminence le Cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, en présence de Monseigneur Collin, évêque de Digne et du Révérendissime Ministre Général de l'Ordre des Trinitaires.
Faucon peut se glorifier d'avoir vu naître un grand Serviteur de Dieu, un grand bienfaiteur de l'Humanité.
Puissent les couleurs des Trinitaires, croix rouge et azur sur tunique blanche briller longtemps encore à travers le monde pour la délivrance des prisonniers, pour le soulagement des malheureux et le soin des malades !
Sant Jan de Mato,
Tu siés encuei
E nosto glori
E nosto ourguei !
Jérôme Richaud.
in La vallée de Barcelonnette
Calixte (R. P. de la Providence), Vie de S. Jean de Matha, fondateur de l'Ordre de la Très Sainte Trinité pour la rédemption des captifs, F. Wattelier, Paris, 1867.
Caire (Jean Albert), Saint Jean de Matha et l'ordre des Trinitaires, Sabença de la Valeia, Barcelonnette, 1988.
Caire (Jean Albert), Saint Jean de Matha, sa vie, son œuvre, Sabença de la Valeia, Barcelonnette, 1993.
La vie et l'œuvre de Saint Jean de Matha sur le site des Frères Trinitaires
Jean de Matha sur Wikipédia
San Giovanni de Matha sur Santi, Beati e Testimoni, Enciclopedia dei Santi
Médailles pieuses de Saint Jean de Matha