Pierre Michel (1900-1984)

Pierre Michel est né au Mexique, où son père, Alphonse Michel, devient très vite l'un des grands patrons de la colonie Barcelonnette, implantée depuis 1845 dans le négoce et l'industrie textile. Il occupera l'une des toutes premières situations commerciales et industrielles du Mexique, aux côtés des familles Reynaud, Robert, Tron, Garcin...

Pierre Michel ne succédera pas à son père à la tête du grand magasin de nouveautés fièrement dressé au centre de Mexico. Il sera peintre. Etudiant à Paris, il refuse de suivre, comme l'aurait voulu son père, l'enseignement officiel des Beaux-Arts. Il s'installe à Montmartre (rue Caulincourt) et fréquente l'atelier du peintre illustrateur Charles Gir, spécialiste de l'affiche de théâtre. Il fait connaissance de nombreuses personnalités parisiennes et se lie d'amitié avec un peintre de Barcelone, Durancamps.

Pierre Michel a très peu exposé; Cela ne l'intéressait pas de vendre, il n'avait pas besoin de gagner sa vie. En 1935, manifestant son intérêt pour l'art et le milieu artistique, il créé, non loin des Champs Elysées, un foyer d'art, La fenêtre ouverte (1935-1939). Lieu de rendez-vous des artistes mais aussi lieu d'exposition, où seront présentées les grandes et prestigieuses signatures contemporaines : Matisse, Derain, Vlaminck, Utrillo, Picasso, Durancamps, Dali, De Chirico etc. En 1936, Pierre Michel y exposera les huiles et dessins ramenés de son voyage au Mexique. La fenêtre ouverte, entreprise désintéressée, s'interrompt définitivement en 1939.

Profondément attaché à la vallée de Barcelonnette, Pierre Michel passait chaque été à Barcelonnette, dans la ville paternelle où il avait installé son atelier. On pouvait le croiser à bicyclette, avec ses toiles et sa palette en bandoulière se rendant sur le motif. Plus tard, âgé, on l'y transportait en taxi.

Été 1931 (il n'a pas encore 31 ans), Pierre Michel participe aux célébrations du VIIe centenaire de la fondation de Barcelonnette (1231-1931), aux côtés des artistes bas-alpins réunis autour du doyen, le peintre Jean Caire.

Trois ans plus tard, Pierre Michel est de nouveau au rendez-vous des Saisons d'art alpin, à Jausiers qui célèbre le bicentenaire du maréchal de Berwick, à qui la Vallée doit son rattachement à la France (1713). Pierre Michel se fait remarquer par un paravent (support qu'il affectionne) mettant en scène le Quadrille de Sisteron dans une composition décorative superbement colorée (collection Musée de la Vallée).

A la demande de son père qui siège au Conseil municipal de Barcelonnette, Pierre Michel réalise La pierre de la mariée à Fours dans la salle du Conseil, où on peut aujourd'hui encore le voir.

Pierre Michel ne revendique aucune des aventures spirituelles et formelles de son temps. D'une facture inégale, il joue en dilettante de la technique picturale. Il tente parfois le pastiche (le style de son ami Durancamps, la manière nabie...). Mais il ne se réclame d'aucune école, d'aucune tendance picturale et artistique et préfère porter un regard personnel et paisible sur les lieux qui lui sont familiers, sur les membres de sa famille, son proche entourage, sur les objets enfin qui meublent son quotidien. Pierre Michel recherche le silence, la discrétion, l'intimité.

Il est le portraitiste attentif de sa sœur Yvonne qui lui sert souvent de modèle (Yvonne Michel cousant en 1927, Yvonne Michel lisant dans le jardin en 1930, Yvonne Michel tricotant en 1932, jusqu'au beau Portrait de la maturité offert au musée par ses héritiers...). Avec la Lecture de l'abbé à la grand-mère du peintre, l'intimité du portrait est élargie à la scène de famille. On pénètre dans l'univers familial et feutré du salon chargé de souvenirs et cette atmosphère intimiste rappelle singulièrement l'univers thématique (et pictural) de Vuillard.

Pierre Michel manifeste "le goût de l'intimité jusque dans le plein air". Le jardin de la maison maternelle à Came (près de Bayonne), le parc de la villa paternelle à Barcelonnette, souvent traités par l'artiste, sont volontairement et patiemment détaillés, fouillés dans leur plus petit coin et recoin. Pierre Michel s'arrête sur l'Arrière de la maison (Came), détaille le bout de Façade aux volets bleus fermés (Came), décline au gré des heures du jour le Perron fleuri de l'Abri (Barcelonnette) avec une tendresse particulière pour cette véranda de la villa paternelle ensoleillée et fleurie.

Peintre du plein air, peintre de la nature (Pierre Michel n'aimait pas les villes), l'artiste porte le même regard paisible sur les sites et paysages qui l'entourent. Il suit le Troupeau qui transhume sur la route d'Uvernet, il guette la brise sur la rive, il fixe le cours lent de L'Eure à Heudreville etc.

Portraits de ses proches, portraits des ambiances familiales, portraits de l'Ubaye et des monts, les toiles de Pierre Michel fonctionnent comme des autoportraits où l'artiste donne à voir non pas son propre visage mais se livre peu à peu, dévoilant son intimité.

Ces œuvres aujourd'hui montrées au public, non destinées à la vente (et peu exposées), sont liées à l'espace privé du peintre et de sa famille. Accrochées jusqu'en mai 1991 dans chacune des pièces de la villa paternelle, où le frère et la sœur, jusqu'à la mort du peintre, se retrouvaient chaque été, ces toiles constituaient la collection d'Yvonne Michel, elle même disparue l'hiver 1990.

Pendant l'été 1992, le musée de la Vallée rend un double hommage à Yvonne Michel et Pierre Michel, frère et sœur, tous deux partageant le même attachement à leur vallée d'origine.

Aux cimaises de la salle d'exposition temporaire, 30 œuvres, huiles sur toile ou sur bois pour la plupart, quelques aquarelles, deux paravents, réunissent portraits, paysages et natures mortes, étalés de 1926 à 1948, évoquant les différents lieux de villégiature du peintre.

Hélène Homps.
in "pierremichel - une exposition du musée de la Vallée".
Livret-affiche, Sabença de la Valeia, Barcelonnette, 1992.