François Arnaud (1843-1908)

Des hommes célèbres de la Vallée dont le nom reste attaché à une rue ou place de Barcelonnette, François Arnaud est certainement le plus méconnu. Pour notre part nous le considérons comme le plus grand homme de l'Ubaye, aussi croyons-nous utile d'évoquer ici sa vie et son œuvre en cherchant à le faire mieux connaître et à le faire aimer par tous ceux qui sont attachés à la Vallée.

Si l'on examine chronologiquement les étapes de sa vie, depuis sa naissance jusqu'à sa mort, on n'y trouvera que peu de différences avec ce que peut être de nos jours la carrière d'un notaire né et vivant à Barcelonnette. Pourtant François Arnaud eut une vie exceptionnellement bien remplie.

François Arnaud est né à Barcelonnette le 7 août 1843. Son père, Henri, était notaire, sa mère Sabine Canton, était de Barcelonnette. Il fit ses premières études au collège de la ville jusqu'à l'âge de 15 ans. Ensuite, ayant manifesté le désir d'embrasser une carrière militaire, il entra au Lycée à Lyon, préparer l'examen d'entrée à l'École de Saint-Cyr. Cependant, la mort prématurée de son père changea son orientation. Il poursuivit des études classiques pour passer son baccalauréat ès lettres qu'il obtint à l'âge de 18 ans. Puis il se rendit à Paris pour étudier le Droit et obtenir sa licence. A l'âge de 25 ans, il revint ensuite à Barcelonnette pour reprendre en mars 1869, l'étude de son père. Voilà un début d'existence bien classique, encore qu'à l'époque il n'était pas commun d'aller achever ses études à Paris.

De la vie parisienne du jeune Arnaud nous ne savons malheureusement que très peu de choses; c'est regrettable car nous sommes persuadé qu'avec la grande curiosité et la merveilleuse intelligence qui le caractérisaient, cet étudiant gavot ne dut pas rester cantonné dans ses études de droit.C'est au quartier Latin qu'il connut Gambetta et de cette époque peut-être datent les sincères opinions républicaines dont il fit toujours preuve.

A l'âge de 30 ans il se maria avec Hélène Eyssautier, originaire de Faucon, et de laquelle il eut trois enfants : Marguerite, Pierre et Jean.

Il exerça la profession de notaire au n° 1 de la rue Manuel, juste en face de la tour Cardinalis, jusqu'à 1903, date à laquelle il céda son étude à son fils Pierre. Il mourut subitement à Barcelonnette le 23 juillet 1908, à l'âge de 65 ans, en pleine activité puisqu'il s'apprêtait à faire une communication au Congrès des Sociétés Savantes d'Annecy, sur "Le peuplement de la haute montagne dans l'Europe occidentale par la race alpine - La voie pastorale ".

Cette carrière de notaire fut sans aucun doute exercée avec toute la compétence et le sérieux qu'il mettait dans toute chose, mais elle lui laissa aussi très vraisemblablement beaucoup de temps disponible pour acquérir des connaissances véritablement encyclopédiques dans des domaines les plus variés. François Arnaud fut en effet un historien, un ethnologue, un linguiste, un géologue, un numismate, etc.

S'enfermait-il donc dans son étude pour étudier toutes ces sciences ? Loin de là, car il parcourut la Vallée en tous sens et fut un authentique alpiniste. Était-il donc un savant rébarbatif ? Certainement pas, car il aimait le contact avec ses compatriotes qui l'apprécièrent en lui confiant un poste de Conseiller municipal pendant trente-deux ans. Enfin, à côté de ces travaux ou occupations des plus sérieuses, il savait se délasser avec la musique et la poésie. C'est à lui que nous devons les paroles de la Barcilounesa , l'hymne du pays écrit sur un air pyrénéen. Il composa diverses fantaisies comme La Ballade des Notaires, La Marche des Cacuminipètes, Serenad'Autonalo. Il mit en musique une poésie de Paul Arène, La Moisson des Lis. C'était un bon vivant plein d'humour, il n'est que de lire Création du Monde, de la femme et de ses puces œuvre témoignant de son anticléricalisme, ce qui peut-être fit dire à certains que François Arnaud était franc-maçon, mais nous n'en avons aucune certitude.

Sa carrière d'homme public débuta en 1868, à l'âge de 25 ans, par son élection au Conseil Municipal de Barcelonnette, poste qu'il occupa jusqu'en 1900.

En septembre 1898, le Maire proposa la laïcisation de l'école maternelle tenue par l'enseignement congréganiste. Le Conseil municipal ne le suivit pas, ce qui décida François Arnaud à présenter sa démission. En fait le Maire ne l'acceptera pas et lui retournera sa lettre. Par cette anecdote nous savons qu'il " a toujours défendu les principes essentiels de la République libérale". Profondément laïque, il expliqua à cette occasion sa crainte de voir l'école maternelle et l'école Saint-Joseph, récemment installée, menacer l'avenir du vieux collège universitaire.

Républicain, laïque, François Arnaud fut en outre ardent patriote. A la fin de l'Empire, en 1870, il fut élu Conseiller Général du canton de Barcelonnette et fut chargé d'administrer l'arrondissement de Sisteron pendant un mois, ce qui lui permit d'y faire cesser divers troubles. Pendant la guerre franco-allemande il fut élu par ses compatriotes Chef de Bataillon des Mobilisés de l'arrondissement et nommé ensuite par le gouvernement de la Défense Nationale, chef de la 1ère Légion des Mobilisés (Mobiles) des Basses-Alpes, avec le grade de lieutenant-colonel. Il avait alors 27 ans. Fin décembre 1870, il était envoyé en mission à Bordeaux, au siège de la délégation du gouvernement et y retrouvait Gambetta. Il " était partisan de la guerre à outrance " mais sa légion n'eut pas à prendre part aux combats et demeura au camp de Sathonay.

En dehors de cet épisode dû à des circonstances exceptionnelles, sa vie se déroula donc en Ubaye et son œuvre y est extrêmement liée. En effet, si François Arnaud fut historien, préhistorien, géologue, anthropologue, linguiste, géographe, etc., il le fut pratiquement exclusivement pour sa petite patrie. C'est l'histoire de la Vallée qui le passionnait, c'est la géologie de la Vallée qui attirait sa curiosité, c'est la géographie de la Vallée qu'il entendait préciser, c'est le langage de la Vallée qu'il tenait à étudier. Par amour pour sa chère Vallée, il chercha à comprendre tout ce qui touchait à son pays et c'est ainsi qu'il acquit des connaissances encyclopédiques. Il voulut ainsi servir son pays et s'attacha constamment à le faire connaître, que ce soit en publiant ses études, en diffusant des tirés à part sur les communications qu'il faisait à diverses sociétés savantes,ou bien même en faisant des conférences. Il fut un ardent propagandiste et le premier promoteur du tourisme en Ubaye. Voici en effet ce qu'il écrivait en 1875 : "Allons, Marseillais, qui mourrez de chaleur pendant l'été, arrivez-nous en caravanes, envoyez-nous vos fils, l'air pur de nos cimes leur bronzera la peau, mais leur donnera la vigueur et l'audace du montagnard. Et vous touristes routiniers, qui suivez la foule en Suisse et en Savoie, quittez les routes battues et venez ici..." Ainsi François Arnaud, contrairement à d'autres grands hommes de la Vallée comme J.A. Manuel ou Paul Reynaud, ne se consacra qu'à sa petite patrie.

François Arnaud fut-il alpiniste d'abord, géologue ensuite, géographe enfin ? Non, tout éveillait sa grande intelligence, et son désir de tout savoir sur la Vallée ne faisait qu'un.

Quand il partait en montagne ce n'était pas seulement pour le plaisir de vaincre un sommet vierge et y planter le drapeau du Club Alpin Français (C.A.F.), ou pour découvrir un sommet qu'il n'avait jamais gravi, c'était aussi pour parfaire ses connaissances. En relatant son ascension au Grand Rubren (3400m.) il écrit : Ici, nous quittons les terrains tertiaires pour entrer dans les terrains jurassiques et en remontant nous trouvons les terrains les plus anciens, car dans ce soulèvement du Viso et de la grande chaine des Alpes..."

En même temps, bien sûr, il voulait contrôler les renseignements portés sur la carte d'État-Major de l'époque et se révéla ainsi un véritable géographe, infiniment plus rigoureux que les militaires chargés de dresser cette carte. Sachez enfin que pendant trente ans, il a toujours fait ses courses en montagne avec un baromètre holostérique, un thermomètre pour mesurer la température des sources (il a relevé en Ubaye 311 sources en précisant leur nom, leur altitude, les remarques nécessaires pour les retrouver facilement et, bien entendu, leur température, toujours comprise entre 1,5°C et 4,5°C), une boussole géodésique pour l'inclinaison et la direction des couches, une lorgnette, un carnet de notes. Ses descendants sont encore en possession d'un chevalet que François Arnaud devait accrocher à son cou par une lanière et faire reposer sur sa taille et qui devait lui servir à effectuer les relevés à partir desquels il établit la carte de la Vallée.

Comme alpiniste François Arnaud fut président de la section locale du C.A.F. Il fut président du Congrés National du C.A.F., qui se tint à Barcelonnette en août 1898. Un participant étranger à la Vallée précise que : "l'organisation a été merveilleuse, prodigieuse même, dans une contrée pauvre où tout faisait défaut, voiture, hôtels, ressources de toute nature" et il reconnaît que François Arnaud : " alpiniste passionné, lettré délicat, éperdument épris de Barcelonnette et de ses montagnes fut l'âme du congrès".

En tant que géologue, François Arnaud connaissait parfaitement la nature de toutes les roches de la basse à la haute Vallée ; elles sont pourtant des plus variées. Il s'était en effet associé pendant quinze ans au célèbre professeur de la Faculté de Grenoble W. Killian et à E. Haug puis à M. Zurcher qui ont effectué d'importantes études sur les Alpes.

L'élève aurait-il pu dépasser le maître ? Vraisemblablement, si François Arnaud avait tenu à se spécialiser, mais ce n'était pas sa vocation. Toujours est-il qu'en juin 1898, François Arnaud présente à la Société Géologique de France dont il est membre, une communication intitulée : "L'altitude primitive des Alpes dauphinoises - l'Ubaye et la Durance pliocène ". A la fin de son exposé c'est une véritable discussion de spécialistes qu'il entame avec W. Killian. L'année suivante il présente à la Société Dauphinoise d'Ethnologie et d'Anthropologie une communication sur la "Comparaison des transports par les glaciers et des transports par les fleuves. Son ami Killian conclut en espérant que François Arnaud " continuera à communiquer à ses confrères les résultats de recherches auxquelles se prête tout spécialement la région qu'il habite ".

Dans un tout autre domaine, la Société Botanique de France décidait d'organiser en août 1897 une session extraordinaire pour étudier la flore si riche de la Haute Vallée. Que pouvait donc faire notre laborieux notaire ? Eh bien, il mettait aussitôt sur pied un Comité local d'organisation dont il ne pouvait qu'être le président. On retrouve encore à cette occasion l'homme qui déploie toute son énergie pour que les visiteurs attendus à cette session gardent le meilleur souvenir possible de son pays. Bien entendu la botanique de la vallée ne lui était pas étrangère, avec son ami Derbez, professeur au collège, il herborisait bien souvent. Nous pensons qu'il était tout autant motivé par le désir de faire découvrir sa Vallée aux botanistes que par le désir d'apprendre encore plus de choses au contact des spécialistes qui participaient à cette manifestation.

Nous voudrions maintenant, sans nous étendre trop longuement, vous expliquer comment François Arnaud s'est intéressé à la toponymie et à la géographie de l'Ubaye et ce qu'il en est résulté.

Pendant ses études à Paris, il découvrit la carte d'état-major. Lors de la guerre de 1870, comprenant tout l'intérêt d'un tel document, il chercha à s'en procurer un exemplaire mais ne trouva, à Lyon, qu'une carte allemande au 1/860.000 qui ne pouvait lui être utile. Lorsqu'il retrouva Gambetta à Bordeaux en décembre 1870, il s'empressa de lui réclamer une carte d'état-major de sa région, mais ce fut en vain. Il devra attendre jusqu'en 1875 pour être enfin en possession de cette carte au 1/80.000 et ce, grâce à de nombreuses relations d'amitié qu'il avait su entretenir.

Connaissant cette vallée comme personne d'autre, il ne pouvait alors qu'examiner ce document d'un œil critique et en noter les erreurs, ce qu'il ne cessa de faire jusqu'en 1905, année où il publia son "Appendice complémentaire et rectificatif de la carte d'état-major des bassins de l'Ubaye et du Haut Verdon". Cet ouvrage de 200 pages, illustré de quinze esquisses topographiques, obtint le prix William Huber de la Société de Géographie et une médaille de la Société de Géographie Commerciale qu'on lui remit à Paris. François Arnaud s'était décidé à publier cette étude qui relève de nombreuses erreurs toponymiques et topographiques de la carte d'état-major, parce que ses demandes de corrections signalées soir par lettres au Ministre de la Guerre, soit de vive voix aux officiers venus en Ubaye pour réviser la carte, n'avaient jamais été prises en considération. Il fit ainsi don à la science toponymique, tout autant qu'à la géographie, sous un titre rébarbatif mais bien explicite, d'un précieux bagage. Le directeur d'alors du Service Géographique de l'Armée, le général H. Berthaut, saisit toute l'importance de ce travail et le choisit, parmi les nombreuses autres critiques dont la carte était l'objet, pour lui consacrer en septembre 1906 le numéro 25 des Cahiers de son service. Dans ces "Erreurs de la carte de France" il explique les conditions d'établissement de la carte et les causes de déficience, tentant de réfuter les propositions de notre notaire-linguiste.

Ce dernier, l'année suivante, lui répliquait dans une "réponse" où, avec un solide bon-sens gavot étayé d'une parfaite connaissance du terrain et de la langue barcelonnaise, il défendait son travail.

Les ans ont passé ; les hommes aussi, malheureusement d'ailleurs pour la défense de la "langue nostre". Pourtant ces graines qu'avec patience François Arnaud avait savamment semées, ont germé et maintenant on peut voir fleurir sur les feuilles de la carte de l'Institut Géographique National relatives à la Vallée, les noms qu'il avait religieusement recueillis et défendus.

En effet, l' I.G.N. a eu la sagesse d'adopter finalement, dans une multitude de cas, les dénominations présentées par François Arnaud. Prenons seulement quelques exemples de toponymes qu'en 1906 défendait le Général Berthaut, contre François Arnaud :
- Aux appellations de "Chapeau de Gendarme" et de "Pain de Sucre", tout juste bonnes pour les cartes-postales, François Arnaud opposait les anciennes dénominations de "Lou Lan" et "La Méa" qui avaient l'avantage d'être explicites (Lou Lan = plateau bordé d'à-pic ; nombreux homonymes dans les Alpes, par exemple Villard-de-Lans. La Mea = pyramide, borne ; voyez les Mées et leurs pénitents). La carte actuelle fait figurer côte à côte les deux termes.
- Des sommets de "Matalanche" et de "Sonaille" sur la crête au nord de Barcelonnette, les noms ont disparu en faveur de "Petite Epervière" et de "Grande Epervière" que François Arnaud réclamait.
- Quant au "Cougnet de Maurel" au nord de Faucon, il a été remplacé à juste titre par le terme de "Pouncha de Frusta", autre victoire qui eût réjoui l'ardent notaire. Les dernières éditions ont francisé la "Pouncha" et nous trouvons la "Tête de Frusta".

Ne pouvant continuer cet exposé trop aride pour trouver sa place ici, contentons-nous, en protestant de n'avoir jamais eu le mesquin désir de vouloir marquer les points des protagonistes en présence, de nous réjouir des corrections ainsi apportées à une œuvre dont l'intérêt dépasse même le cadre national. Avouons enfin qu'il nous a été particulièrement agréable de constater que le travail de notre compatriote, grâce à sa remarquable documentation, avait gardé tout son intérêt un demi-siècle plus tard, puisque lors du Congrès International de Toponymie, tenu à Paris en Juillet 1947 ce travail eut l'honneur d'être longuement rappelé par J. Recordon, ingénieur en chef de l' I.G.N., au cours de son aperçu historique sur le "problème toponymique dans la cartographie technique française".

Ses études historiques portent la marque d'une abondante documentation qu'il ne se contenta pas de rechercher sur place. Elles sont l'aboutissement de longues et patientes recherches dans les archives de Digne, mais aussi de Turin, Nice, Avignon, Grenoble. L'année de sa mort, il fit encore un voyage à travers les musées d'Avignon, Marseille, Nîmes, Montpellier, Béziers, Narbonne et Toulouse, pour préparer cette étude qu'il ne devait pas achever. Nous ne nous étendrons pas ici sur cette œuvre historique ; signalons simplement qu'en ce qui concerne l'histoire de la Vallée, tous les sujets qui ont été étudiés par François Arnaud, sont toujours considérés comme l'achèvement de ces questions. On ne peut y ajouter grand chose. Nous lui devons aussi d'avoir sorti de l'oubli mille et une petites histoires qui illustrent si bien le passé. Sans lui ces anecdotes, si riches d'enseignement sur la vie de nos ancêtres, seraient peut-être définitivement oubliées ou perdues.

Étudiant, puis notaire, François Arnaud s'intéressa toujours au Droit, mais bien au-delà de ce qui était nécessaire à sa profession. Ainsi il publia diverses études juridiques dans l'Annuaire de législation étrangère de la Société de Législation comparée.

Pour cette question, comme pour l'œuvre historique de François Arnaud, nous ne saurions que trop vous renvoyer à sa bibliographie.
"Personne ne s'est moins ennuyé que lui dans sa vie", a dit un de ses amis. On peut en effet très bien imaginer les journées de cet homme exceptionnel.

L'hiver, comme il nous l'explique, de 1894 à sa mort, il passa ses longues soirées à préparer son "vocabulaire" . On l'imagine aussi très bien mettre à jour les relevés topographiques qu'il avait effectués à la belle saison sur tous les cols et sommets de la Vallée. Il devait aussi profiter de la mauvais saison pour dépouiller les matrices cadastrales des neuf communes et ensuite les comparer aux anciens livres terriers et finalement en relever 1952 noms se rapportant à près de 27000 hectares.

A la belle saison, nous pouvons le voir partir en montagne, dès qu'il en avait la possibilité, peut-être après avoir relancé quelque client négligent à lui régler ses honoraires... mais, nous avons des témoignages qui montrent que François Arnaud savait être patient et compréhensif en la matière. Oui, nous le voyons avec son grand bâton et son casque de paille qui, paraît-il, était bien connu dans la région, et avec lequel il est représenté sur une des rares photographies qui nous soit parvenue de lui. Trouvait-on quelque chose de curieux dans un champ, dans une grotte, on avertissait tout de suite François Arnaud, qui se rendait sur place, observait, analysait, étudiait et enrichissait ses connaissances sur la Vallée.

Depuis le début de cette notice, nous avons déjà cité de nombreuses sociétés savantes auxquelles François Arnaud adressait des communications et dont il était membre. Il faut ajouter qu'il fut le correspondant du Ministère de l'Instruction publique et l'un des membres fondateurs de la Société d'étude des Hautes-Alpes.

Dans l'administration de son pays natal, il occupa aussi de nombreux postes. On peut citer : membre du bureau de l'Assistance judiciaire de Barcelonnette, de 1872 à 1906 ; membre de 1870 à 1900, de toutes les commissions administratives de l'arrondissement ; fondateur et président de la section locale du Club Alpin Français ; président ou administrateur de la Société des anciens élèves du collège de Barcelonnette, de la Société de Secours mutuel et de la Ligue des Droits de l'homme de la ville.

François Arnaud disparu, W. Killian qui l'avait fréquenté durant de nombreuses années, lui rendit un hommage sincère :
"Sa haute intelligence, son infatigable opiniâtreté au travail, ses connaissances extrêmement variées, ses brillantes et solides qualités, sa franchise, la hardiesse et la fantaisie de ses conceptions s'alliaient d'une façon très originale avec une gaieté, une ardeur au plaisir, une gauloiserie joviale qui en faisait un boute-en-train de toutes les réunions, l'initiateur de toutes les parties de plaisir ; peu de ceux qui l'ont approché ont échappé au charme un peu rude, mais puissant et pénétrant de cette grande figure dans laquelle s'incarnait d'une façon si heureuse les qualités morales du montagnard et la brillante imagination du fils de Provence.
"Profondément attaché au souvenir de sa mère, entouré d'un cercle de famille qui animait parfois de sa gaieté la grande maison notariale, Arnaud avait vu ses trois enfants grandir et répondre à son attente. Et lorsque les chagrins vinrent, vers la fin de sa vie, assombrir son horizon, l'on vit ce grand cœur demeurer fort et serein en apparence et rechercher encore une fois dans le travail l'oubli consolateur qu'il avait plusieurs fois trouvé dans ses chères études."


Nous venons d'évoquer la vie et l'œuvre d'un homme dont toute la merveilleuse activité, la grande intelligence et le labeur ont été exclusivement consacrés à sa petite patrie. Nous espérons ainsi que vous pourrez le considérer comme le plus grand homme de la Vallée et regretter qu'il ne soit pas davantage honoré dans son pays.

La liste bibliographique qui suit rappelle son œuvre, et bien que l'érudit alpin ait disparu voici soixante-douze ans, cette œuvre tout entière subsiste comme une mine merveilleuse et sûre, où nous voyons puiser tous les chercheurs qui s'intéressent à l'Ubaye. Quel plus beau rêve François Arnaud eût-il pu faire ?

Pierre Martin-Charpenel.
in La vallée de Barcelonnette